Vu sur Arte la
minisérie espagnole « Carta a Eva » (Lettre à Eva). On
a beau dire, mais une série en 2 épisodes c'est autre chose qu'une
série en 62 épisodes, comme « Breaking
Bad », par exemple. Excellente série, mais qui nécessite bien
des soirées d'abnégation sur canapé. Mais ne digressons pas. Cette
série-ci se passe en 1947, alors que l'Espagne est exclue des
Nations Unies pour cause de fascisme, et meurt de faim: elle a besoin
du blé argentin. Eva Perón est envoyée en visite officielle en
Espagne et la série raconte ses démêlés avec Franco et surtout sa
femme, Carmen Polo. En parallèle, on suit l'histoire d'une militante
communiste condamnée à mort et dont la famille demande la grâce à
Eva Perón via une lettre, la fameuse « Carta a Eva ».
J'ai adoré cette plongée dans l'Espagne des années 40, à une
époque où le bourricot était le moyen de transport des campagnes,
où les riches étaient riches par la grâce de Dieu, où les BD
étaient des instruments de propagande, où le pays sortait juste de
la guerre civile, avec deux camps opposés tout aussi déterminés
dans leur haine de l'autre. J'ai lu des dizaines de bouquins et
d'articles sur la guerre civile espagnole.
Pourtant, c'est en voyant
ces images (de fiction) de prisonniers torturés, de femmes arrêtées
en pleine rue, du chantier du Valle de los Caidos où mouraient les
ouvriers républicains que j'ai ressenti comme jamais l'horreur de la
période. Bien sûr, nous sommes en 2014, on épargne au consommateur
de séries les images trop pénibles, les garde-chiourmes sont quand
même humains finalement, les gamins sont attendrissants, la série
finit bien. Mais l'impact de ces quelques images est incroyablement
plus fort que celui des mots (oui, je sais, je redécouvre une
évidence que Paris Match a compris depuis longtemps). L'habilité de
la série est de ne pas trop s’appesantir sur des questions qui
fâchent encore, mais de se délecter des combats de
pintades entre Eva et Carmen, l'une excessivement glamour et
pro-prolétaires, l'autre vêtue
de strict, emperlousée avec son chapelet à portée de main. Franco, la "sentinelle de l'Occident", a
le rôle d'un gentil patapouf qui ne veut pas d’histoires avec sa
femme, ni avec le blé argentin. On se marre bien avec les espagnols
qui font tout ce qu'ils peuvent pour en mettre plein la vue à Eva,
mais voir comment celle-ci finit toujours par avoir le dessus. Même
si les ressorts de la série sont éculés (la modernité contre le
conservatisme, la pauvre fille issue de rien contre la bourgeoise qui
se pique d'être marquise, etc...), le jeu entre les espagnols
coincés et la furia transatlantique est vraiment réussi. La devise de l'Espagne de l'époque était: Una, Grande y Libre; dans cette histoire, une grande fille libre venue d'Argentine lui a damé le pion.
1 commentaire:
Chouette critique qui donne envie de voir la mini série. Arte a aussi programmé une série sur la Tchécoslovaquie dans les années 70 après le suicide de Yann Palach ... Passionnante.
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