dimanche 4 mai 2014

Dans la cour

Dans la cour, de Pierre Salvadori, film à recommander. Comme toujours avec ce réalisateur, le film a un bon
rythme, aborde les sujets graves sans s'appesantir inutilement, alterne l'humour et la gravité sans céder à la facilité. Catherine Deneuve, absolument géniale en bourgeoise parisienne angoissée, de plus en plus barrée au fil des événements. Gustave Kerven en gardien d’immeuble amateur, qui se retrouve à gérer une maison de fous. Pio Marmai en trafiquant de vélos volés halluciné. Un film plein d'humanité sans jamais être mièvre, très drôle, bien filmé, une très bonne surprise. Un regret tout de même, le film se termine sans que l'on connaisse la recette des endives au jambon de Catherine Deneuve. Désolé si je vous ai gâché votre film. Si vous ne voulez pas que je le gâche encore d'avantage, ne lisez pas ce qui suit. La phrase finale du film est magnifique, mais bon, c'est aussi la fin du film, alors....

Attention, ne lisez pas plus avant si vous voulez aller voir ce film!!! Dernière chance !: Catherine Deneuve, en voix off, dit "Les mensonges de ceux qui nous aiment sont les plus belles preuves d'amour". C'est bien trouvé, non ?

jeudi 1 mai 2014

Carta a Eva

Vu sur Arte la minisérie espagnole « Carta a Eva » (Lettre à Eva). On a beau dire, mais une série en 2 épisodes c'est autre chose qu'une série en 62 épisodes, comme « Breaking Bad », par exemple. Excellente série, mais qui nécessite bien des soirées d'abnégation sur canapé. Mais ne digressons pas. Cette série-ci se passe en 1947, alors que l'Espagne est exclue des Nations Unies pour cause de fascisme, et meurt de faim: elle a besoin du blé argentin. Eva Perón est envoyée en visite officielle en Espagne et la série raconte ses démêlés avec Franco et surtout sa femme, Carmen Polo. En parallèle, on suit l'histoire d'une militante communiste condamnée à mort et dont la famille demande la grâce à Eva Perón via une lettre, la fameuse « Carta a Eva ». J'ai adoré cette plongée dans l'Espagne des années 40, à une époque où le bourricot était le moyen de transport des campagnes, où les riches étaient riches par la grâce de Dieu, où les BD étaient des instruments de propagande, où le pays sortait juste de la guerre civile, avec deux camps opposés tout aussi déterminés dans leur haine de l'autre. J'ai lu des dizaines de bouquins et d'articles sur la guerre civile espagnole.
Pourtant, c'est en voyant ces images (de fiction) de prisonniers torturés, de femmes arrêtées en pleine rue, du chantier du Valle de los Caidos où mouraient les ouvriers républicains que j'ai ressenti comme jamais l'horreur de la période. Bien sûr, nous sommes en 2014, on épargne au consommateur de séries les images trop pénibles, les garde-chiourmes sont quand même humains finalement, les gamins sont attendrissants, la série finit bien. Mais l'impact de ces quelques images est incroyablement plus fort que celui des mots (oui, je sais, je redécouvre une évidence que Paris Match a compris depuis longtemps). L'habilité de la série est de ne pas trop s’appesantir sur des questions qui fâchent encore, mais de se délecter des combats de pintades entre Eva et Carmen, l'une excessivement glamour et pro-prolétaires, l'autre vêtue de strict, emperlousée avec son chapelet à portée de main. Franco, la "sentinelle de l'Occident", a le rôle d'un gentil patapouf qui ne veut pas d’histoires avec sa femme, ni avec le blé argentin. On se marre bien avec les espagnols qui font tout ce qu'ils peuvent pour en mettre plein la vue à Eva, mais voir comment celle-ci finit toujours par avoir le dessus. Même si les ressorts de la série sont éculés (la modernité contre le conservatisme, la pauvre fille issue de rien contre la bourgeoise qui se pique d'être marquise, etc...), le jeu entre les espagnols coincés et la furia transatlantique est vraiment réussi. La devise de l'Espagne de l'époque était: Una, Grande y Libre; dans cette histoire, une grande fille libre venue d'Argentine lui a damé le pion.