mercredi 29 juillet 2009

Dissertations

Petit post estival, parfum d’enfance, c’est dans l’ordre des choses. Ma maman a retrouvé les dissertations que j’avais faites à l’école primaire. Il y en a toute une pile. Je ne me souvenais pas avoir gardé tout ça. Le contenu des dissertations est assez convenu. Je n’avais pas une imagination débordante, je me contentais de mélanger des trucs lus ou entendus pour en faire des histoires sans grandes surprises. J’ai, par contre, été étonné de voir à quel point j’avais une belle écriture appliquée et régulière à 7 ans et plus. Penser que je fais partie de la dernière génération qui a fait toutes les classes du primaire à l’encre violette et à la plume m’étonne encore. Je me souviens de la ferté qui était la notre quand, en CM2, le maître nous confiait la tâche de remplir les encriers de tous les pupitres avec la grande bouteille d’encre. Je ne sais plus qui nettoyait les encriers, en faïence blanche, constellés de taches violettes et noirâtres, et irisées de reflts vert-doré. Au fond des encriers vivait tout un magma de minuscules bouts de papier, gluants, filandreux et gorgés d’encre. Quand on les pêchait malencontreusement à la plume, ils faisaient traîtreusement des pâtés épouvantables sur la page. Le buvard, rigide comme du carton, rêche et vert sombre dans ma mémoire (mais il devait y en avoir d’autres couleurs), était maculé de taches, les plus épaisses se perçaient facilement avec un doigt tant que l’encre était humide, et le buvard finissait par être plein de trous ronds et jolis, de plus en plus nombreux jusqu’à ce qu’il rende l’âme. J’ai retrouvé sur beaucoup de copies du CM1 et CM2 cette façon bizarre de faire les boucles des « l » avec une bosse qui part en arrière, parfois tellement tarabiscotée qu’elle est presque horizontale. Je me souviens de l’espèce de plaisir qu’il y avait à adopter ce maniérisme, alors que savais très bien faire des « l » tout à fait comme-il-faut. Etait-ce une mode commencée par je ne sais qui? Un signe de régression suite à la naissance du petit frère? Un tic pris au contact de la maîtresse de CM1 bourrée de tics du visage ? La malheureuse maîtresse avait de quoi être tendue. Elle était aussi la femme du directeur de l’école qui officiait en CM2, un grand rouquin moustachu, épouvantable, à grosses dents jaunes, fumeur de Gitanes maïs, et avec de grosses mains, dont la droite portait une belle chevalière, idéale pour les baffes assénées du revers de la main. Le directeur choyait particulièrement quelques grands monstres (14-15 ans, tout de même) qui préparaient le Certificat d’Etudes. Nous étions un peu craintifs vis-à-vis de ces gaillards qui avaient des cours rien que pour eux, tout en nous doutant vaguement que le Certif’ n’était pas la voie royale pour l’Académie Française. Toujours est-il que le jour où ils l’obtenaient, le Certif, le directeur demandait à toute la cantine de faire silence et il leur remettait à chacun un paquet de Gitanes maïs. Ils devenaient tout rouges, et ils partaient pour la vraie vie, sous les vivats de la foule.
L’entrée en 6ème était un évènement majeur, bien sûr. Entre autres choses étonnantes, on avait le droit, en 6ème, d’écrire au stylo Bic et non plus à la plume. On savait qu’on était devenus grands, parce que, à l'école primaire, écrire avec un Bic était une chose extravagante et presque aussi grave que d’être pris en train de mâcher un chewing-gum. C’est dire.

vendredi 24 juillet 2009

Brüno. Salle 7 UGC De Brouckère

La place De Brouckère de Bruxelles (Brouckèreplein en néerlandais) est une place bizarre. C’est plutôt une sorte de carrefour taillé en pointe, pas vraiment clairement délimité, avec quelques tavernes et un cinéma, l’UGC. Le nom De Brouckère m’amuse parce qu se prête bien à des imitations grasseyantes et crétines de l’accent « belge », et parce qu’il me fait penser à Mr Demesmaeker l’homme d’affaires de Gaston Lagaffe qui n’aura jamais, jamais réussi à signer son contrat.
En tout cas, ce jour-là, il pleuvait des cordes place De Brouckère, j’avais ma carte UGC dans mon sac, je suis entré dans le cinéma. Ma carte UGC française marchait. Enfin, elle ne marchait pas dans les automates, mais elle marchait, disons, manuellement : la caissière du cinéma a rempli à la main mon un formulaire que j’ai signé attestant de mon achat gratuit d’une place de cinéma « invité », ce que j’ai trouvé fort civil. Le formulaire attestera que le 9 Juillet 2009 je suis allé voir Brüno, pas encore sorti à Paris mais déjà bien annoncé comme aussi déjanté et hilarant que Borat. Comme je l’ai indiqué dans un commentaire laissé sur le blog de Matoo, concernant ce film j’ai choisi mon camp : celui des kazakhs à qui on avait dit que Borat est un film hilarant.
Brüno ne me restera pas comme un souvenir impérissable. En revanche, dans ce multiplex des plus ordinaires d’apparence, j’ai eu la surprise de me retrouver dans la magnifique Salle 7, la plus grande et la plus belle du cinéma. Cette vaste salle en pente, qui semble s’appeler la salle Grand Eldorado, est de style africaniste des années 1930, toute dorée avec des éléphants, des buffles, des congolaises avec calebasses sur la tête, des bananiers, le tout éclairé par un grand soleil rayonnant, une munificence tout coloniale. Pourquoi s’appelle t’elle Salle 7 et pas Salle 1? Humour bruxellois sans doute « On va l’appeler salle 7 en hommage au 7ème art, les français n’y comprendront rien, alleï, alleï, hein ? ». Qu’est ce qu’on rigole, hein, alleï, 7 fois ?
PS: j'aurais voulu poster ce message bien plus tôt, histoire de montrer que j'avais vu Brüno avant tout le monde, ce qui m'aurait rendu super intéressant. C'était sans compter sur les facéties de Free, que je narrerai peut-être ici. Je garde de côté en cas de disette.

mercredi 15 juillet 2009

Vélib': l'enquête exclusive, le scoop international

N'écoutant que mon bon coeur, j’ai recueilli il y a quelque temps le Vélib’ N°15975 pour éviter qu’il ne tombe entre de mauvaises mains, et l’ai casé dans la cour de l’immeuble. J’ai immédiatement rempli en ligne le formulaire qui permet de déclarer un Vélib’ errant. Une première semaine s’est écoulée sans que personne ne vienne le récupérer alors qu’il y a, au bas mot, une douzaine de stations dans le quartier, et donc des équipes qui passent régulièrement alimenter les stations, réparer les vélos endommagés, etc… J’ai, de nouveau rempli un formulaire en ligne, une deuxième semaine s’est passée, sans que rien ne se passe non plus. Le Vélib’ dans la cour de l’immeuble commençait à faire désordre (oui, il s’agit d’un immeuble de standing). Je me suis servi du Vélib’ de temps en temps, histoire de lui faire prendre l’air et de,peut-être, le laisser à une camionnette JC Decaux que je n’ai jamais croisée.
Etant tombé sur l’histoire du type qui s’est retrouvé menotté pour une histoire de Vélib’ du même genre que la mienne, j’ai décidé d’arrêter de courir le risque de prendre un amende ou une peine de prison pour un geste – à la base – tout à fait civique pour lequel on devrait me donner une médaille, oui. Pour en finir, j'ai sorti le N°15975 par un beau dimanche pour pédaler jusqu’au Bois de Vincennes, faire un magnifique pique-nique, puis revenir tranquillement à la base. Toute une après-midi au soleil, pour finir en beauté. J’ai abandonné mon Vélib’ à moi juste à côté d’une station, en enroulant le câble antivol autour d’un poteau métallique. Le câble est cassé, mais ça ne se voit pas facilement. En toute logique, la prochaine tournée JC Decaux l’embarquera, me disais-je dans ma candeur naïve. Je suis repassé ce matin, une semaine plus tard, donc, le Vélib N°15975 est toujours là…. Le mystère est bien épais.
Je viens d’apprendre que la Mairie de Paris rembourse à JC Decaux 400 Euros par Vélib’ volé au-delà d’un seuil de 4% de disparus. Du coup, me demande-je, n’est-il pas dans l’intérêt de JC Decaux de ne pas récupérer les Vélib’ volés pour faire gonfler les statistiques et encaisser le magot payé par le contribuable parisien? Machiavélique, insn’t it ?

dimanche 5 juillet 2009

Ouupps...

C’est aujourd’hui le 74ème anniversaire de Sa Sainteté le Dalai Lama. Joie, tambourins, fifres et vivats. Un énorme char fleuri avance dans les rues de Paris, précédé d’une foule en liesse dansant, tapant dans les mains, bonzes et bonzesses en jolies robes, badauds enchantés, enfants ébahis. C’est beau comme là-bas, dis.
Tout à coup, dans l’allégresse générale, malaise, un échafaudage gène le passage de la haute coupole de toile. On affaisse un peu la coupole (oh ! ah ! fait la foule). On repart d’un bon pas (dansez, fidèles, résonnez clochettes, sonnez tambourins), et patatras, la scoumoune ! La rue est vraiment trop étroite, les terrasses des restaurants plus l’échafaudage c’est vraiment trop. Conciliabule des vieux sages en haut lieu (sur le char, quoi), au milieu des fumées d’encens. Piétinement un bon quart d’heure, rumeurs diverses dans la foule, puis le char fait une habile manœuvre et prend la rue à gauche, suivi de la foule en liesse. Un peu plus, et certains fidèles auraient pu commencer à douter de leur foi. Dansez, fidèles, résonnez clochettes, sonnez tambourins !

mercredi 1 juillet 2009

Sales bêtes

Intéressant article dans le New York Times sur la vie des lucioles. On y apprend que les lucioles mâles émettent des signaux lumineux avec une fréquence et des intervalles minutés au dixième de seconde près, et différents selon les espèces. Pas question de mésalliance, ah non, dans les familles lucioles on ne rigole pas. Il y a 2000 espèces différentes, alors vous voyez le tableau si tout le monde copule avec le premier venu.
Pendant que les mâles volettent, les femelles lucioles observent, boudeuses, dans l’herbe, et quand elles repèrent un male qui envoie un joli signal, paf ! elles leur envoient, juste à lui, un seul signal bref qui signifie « Oh ben vous alors ! ». Et c’est dans la poche. Il y certains mâles qui virevoltent en l’air pendant des heures, clignotent comme des fous pour rien, ces dames vautrées dans la luzerne le méprisent, ne lui envoient pas un signal, que dalle « Aucun sens du rythme, pouah », « non mais quel naze, pas fichu de faire des signaux un peu jolis, aucun sens artistique", "Aux chiottes ! Remboursez! ». Oui, la femelle luciole peut-être assez ordurière.
En fait, il semble que les femelles ne choisissent pas seulement le mâle qui envoie un signal bien comme il faut. A travers les signaux elles repèrent ceux qui peuvent offrir, en plus de la petite graine, un bon paquet de protéines en même temps (si, si, ça me fait plaisir, ça va avec). Car la pauvre femelle luciole ne mange rien pendant les 2 semaines que dure sa vie adulte, alors pensez un bon paquet de protéines quand on a plein d'oeufs à pondre, ça ne se refuse pas. Comme quoi, il n’y a pas que le sens artistique qui permet d’emballer.
Chose amusante, il y a un genre de luciole, appelé Photuris qui émet des signaux de femelles énamourées pour attirer les mâles concupiscents et se les goinfrer comme des sauvages (je n’invente rien, c’est écrit dans le journal. Alors).
Je n’avais jamais vu de lucioles de ma vie jusqu’au jour où débarquant du bus à St Louis (Missouri) à 20 ans, il y a bien des lunes, je me suis retrouvé avec quelques étudiants allemands. Nous nous sommes retrouvés Dieu sait comment dans une banlieue chic, avec grandes maisons blanches, jardins impeccables et vastes pelouses. Chez Bree Van de Kamp, quoi. C’était la fin d’après-midi, il faisait chaud. Nous nous mîmes en recherche de bière et de saucisses, que nous avons trouvées dans une petite boutique du coin. S’est posée alors la question de la cuisson des saucisses. Ach. Nous avons un peu regardé autour de nous et nous sommes benoîtement installés sur une pelouse, vaguement cachés par des arbres, et avons allumé un beau feu avec du bois mort et des aiguilles de pin. Ce fut une belle flambée, sur la pelouse d’un parfait inconnu, sous de grands pins odorants. On ne nous a pas tiré dessus par le plus grand des hasards. Nous sommes restés là quelques heures à boire de la bière, à chanter du Simon et Garfunkel, à alimenter le feu et à regarder griller les bratwursts. La nuit est tombée, le feu brûlait encore faisant une belle trace noire sur la pelouse du Monsieur et les lucioles se sont mises à voler. Il y en avait des dizaines, je n’avais jamais vu une chose pareille, magie totale, nous étions entourés de mini-hélicoptères clignotants, dans la chaleur moite de cette belle nuit d’été. Il y en avait aussi par terre qui cligontaient de temps en temps, on faisait attention à ne pas marcher dessus. Ignorants que nous étions, nous trouvions ça joli toutes ces petites loupiottes, nous n’avions aucune idée des pratiques dégoûtantes de ces bêtes-là.
On foutait le feu chez de braves gens, peut-être, mais on avait de la moralité nous, à l'époque.

Allez une chanson de l'époque, non pas sur des lucioles lubriques, mais sur une jolie libellule, par Simone et Garfunkèle:


Simon & Garfunkel - April come she will