dimanche 3 août 2014

Federico Garcia Marquez

Je viens de replonger dans Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. Je l'avais lu d'une traite un été, ou je devais avoir 17 ou 18 ans. C'était le tout premier livre en espagnol que je lisais. Je l'ai commencé avec un dictionnaire à la main, mais au bout d'une trentaine de pages, j'avais la vocabulaire suffisant pour le lire sans aide, et je l'ai dévoré en 2 ou 3 jours. J'ai été totalement happé par ce tourbillon, ce foisonnement d’histoires et de personnages en apparence loufoques mais qui parlaient du chatoiement et de la dinguerie de l'histoire de l'Amérique Latine et, bien au delà, de l'humanité. En dehors de mon dictionnaire, j'avais aussi une feuille de papier sur laquelle je dessinais au fur et à mesure l'arbre généalogique de la famille Buendia, histoire de ne pas perdre le fil. J'ai encore cette feuille de papier, qui a bien jauni depuis tout ce temps. Il y avait des mots que je ne trouvais pas dans mon dictionnaire, car ils étaient sud-américains, mais je m'en fichais totalement, je continuais à lire. Je comprenais bien s'ils se rapportaient à une fleur, à un oiseau ou à un plat colombien que mon dictionnaire franco-castillan ne connaissait pas. Et cela me suffisait car ses sonorités mystérieuses ajoutaient à l'enchantement de la poésie de la langue de Garcia Marquez. C'est un livre qu'il faudrait lire à haute voix, pour goûter la qualité poétique de sa musique. Il y a un mot très particulier sur lequel j'ai trébuché, et que je n'oublierai jamais pour cela. Il est dans la toute dernière phrase qui finit par « porque las estirpes condenadas a cien años de soledad no tenían una segunda oportunidad sobre la tierra  ». C'était une phrase magnifique, poignante, la DERNIÈRE de ce monument, la chute finale! J'étais arrivé au bout de ce pavé, et je ne savais pas ce que signifiait « estirpe » !! J'ai été obligé de replonger, rageur, dans le dico, pour comprendre qu'estirpe signifie lignage, famille, race. Voilà comment gâcher un moment totalement magique, et s'en souvenir toujours.
J'ai acheté tout récemment la version électronique du livre avec cette facilité fabuleuse qui permet, en effleurant un mot sur la tablette, d'avoir aussitôt accès à la définition de ce mot dans un dictionnaire espagnol (qui n'ignore pas totalement les mots américains, et c'est tant mieux). Je me suis replongé dans le livre avec délectation, happé dès les premiers paragraphes comme la toute première fois. Un grand bonheur. Je le lis lentement, pour ne pas le finir trop vite.... 
J'ai repensé à l'anecdote qu'avaient rapporté les journaux en mai 81 lorsque Garcia Marquez avait été invité à la cérémonie d'inauguration de Mitterrand au Panthéon. Il se baladait parmi les invités en rigolant, montrant son carton d'invitation qui disait « Federico Garcia Marquez ». Gabriel Garcia Marquez n'était pas encore Prix Nobel mais c'était déjà un monument des lettres. Néanmoins, le petit personnel qui rédigeait les invitations l'avait gentiment mélangé avec Federico Garcia Lorca, ce qui ravissait, bien sûr, Garcia Marquez qui montrait son carton à qui mieux mieux. Curieusement, cette anecdote semble totalement oubliée aujourd'hui, aucune trace n'en existe sur le Web. Heureusement qu'il y a cet article de Gérard Courtois du Monde (daté du 15/05/2012, mis à jour le 28/03/2013) qui cite effectivement « Federico Garcia Marquez » parmi les invités de la cérémonie du Panthéon. Monsieur Courtois a dû se replonger dans les archives de 1981 pour rédiger, 31 ans un tard, son papier et il a fidèlement recopié l'ânerie de l'époque. Je n'ai donc pas rêvé, merci Monsieur Courtois. Je suis sûr que, là où ils sont tous les deux, Gabo et Federico doivent encore en rire ensemble.

2 commentaires:

Chroniques de Bretagne a dit…

A la recherche du bouquin qu'on ne lâche pas, tu me donnes là des idées... mais n'a-t-il pas vieilli un poil? Je l'avais également dévoré mais en français .... Ton article est passionnant par ce qu'il montre des facilités numériques actuelles: marquer dans le marbre toutes les âneries.. ...

sameplayer a dit…

Vieiili un poil ??? Oui tu verras, comme moi, que les pages ont jauni et que les caractères sont devenus illisibles, mais c'est aussi le cas de la Recherche du temps perdu, de l'Odyssée, de la Bible :-) Sinon, oui, le Web garde une trace de toutes nos âneries, mais certaines sont mieux cachées que d'autres dans les fils de ta Toile. Sinon ce ne serait pas marrant.