Pour me rendre à la basilique, j’ai, tout benoîtement, pris la mythique Ligne 13 de la RATP. S’y pressait, comme à la grande époque médiévale, certainement, une foule de pèlerins, un peu plus bronzée que dans les livres, mais avec une très forte odeur de sainteté. Peu de cantiques accompagnèrent notre cahotant périple. A la station « Basilique de Saint-Denis », je m’attendais à sortir au beau milieu d’une grandiose esplanade, toute à la gloire du monument fameux. Pas du tout, pour rester dans un jus médiéval, on déboule dans de tortueuses petites rues piétonnes, fleurant bon le shawarma, bordées de boutiques vendant plus de vues de La Mecque que de Sainte Rose de Lima (pourtant souveraine contre l’acné). Enfin, au détour d’une rue sans prétention s’offre soudain au regard du visiteur ce joyau de l’art gothique. L’intérieur de l’édifice est séparé entre partie consacrée au culte (gratuite) et à la visite (payante, mais on n’est pas là tous les jours, alors ça va).
La quantité de tombaux royaux de toutes sortes est impressionnante : de simples dalles aux inscriptions à peines lisibles, à des monuments monumentaux (ben oui). La crypte ou reposent les restes (supposés) de Louis XVI et Marie-Antoinette au milieu d’une flopée de Bourbon de moindre calibre ne vaut pas leurs édifiantes statues agenouillées, en habite d’apparat (avec décolleté largement anachronique pour Madame, mais il faut dire que les portraits ont été faits vers 1830, donc pas tellement d’après nature). La faune qui se balade là vaut le détour. Au milieu de la nef, toute une ribambelle de gosses, probablement du coin car black à 90% répétait silencieusement une cérémonie, sans doute leur communion à venir. Un groupe de touristes distraits suivait un guide un peu suant qui lisait ses fiches. Assez bas-de-gamme le groupe (question bruyante de Gégé : « les vitraux, là, ils ont été démontés pour quoi exactement ? pour les restaurer ? » Non, pour les piétiner violemment, imbécile). Et puis tout un groupe exceptionnel d'adolescents fin-de-race. Un groupe de toute beauté ! Les filles maigrissimes (chaussures plates, socquettes blanches, jupe marine, queue de cheval – bandeau pour les vraiment salaces - sac en bandoulière, tête baissée mais l’air prêtes à hurler au viol), garçons non moins efflanqués l’air benêt à souhait, ricanants entre eux, col de chemise bleu pale ou blanche – mais unie - étalé sur pull marine, pantalon beigeasse et godillots. Je ne savais pas que ça existait encore. Le tout encadré par deux grands mecs costauds en blazer à tête de maîtres d’hotel, et une guidesse d’un age certain, en jupe sans fantaisie et aux manières péremptoires, munie d’un gros classeur plein de choses culturelles (« regardez les photos, mais le dernier qui l’a me le rend le classeur, hein ? »). J’ai, bien sûr, suivi ce groupe suranné, follement exotique. Un grand moment fut la visite de la crypte des Bourbons. Le groupe était agglutiné dans un coin, ils étaient seuls, en dehors de moi, à quelque distance, qui faisait semblant d’examiner un chapiteau des plus intéressants avec mon audiophone à l’oreille. On était entre soit, quoi. La dame patronnesse a décrit la façon dont les révolutionnaires ont exhumé les corps des rois et dont certains ont coupé le zob de je ne sais qui (c’est là que je me suis rapproché) et fait des cochoncetés avec les moustaches d’Henri IV. Une dame du peuple (ou plus exactement de la populace a cru bon de préciser la guidesse) a même utilisé les dites moustaches pour s’en parer le sexe (oh ! ah ! dans l’assemblée). On n’imagine pas, mais il y eu ici, nous a dit la dame, de véritables bacchanales ! (têtes baissées, mines contrites des filles et des blazers, et sourires en douce de quelques uns des dadais). Et la dame d’ajouter qu’il faut lire tous les textes, j’insiste sur tous (nous nous comprenons bien ?) pour comprendre ce qu’a été la Révolution.
Un moment de (vraie) grande beauté a été le chevet de Suger, chaque chapelle d’une grande et sobre élégance ornée de deux vitraux qui, dans quelque sens que l’on déambule font un mur presque continu de lumière. La lumière divine, comme le voulait Suger, a dit la dame, qui avait l’air de savoir de quoi elle parlait.
J’ai bien aimé la litanie de petites chapelles dont les noms, Saint Cucuphas*, Saint Pérégrin, Saint Maurice, Saint Osmane et Saint Firmin chantent aux oreilles du pèlerin. Car on y pélerinait ferme à Saint Denis à l’époque, il y avait des bousculades épiques, des gens étouffés par la foule, pour s’approcher des saintes reliques (de Saint Denis et de ses compagnons bien connus, Rustique et Eleuthère). Cette tradition s’est d’ailleurs perpétuée au Stade de France, tout proche, pour les pèlerinages à Bigard. Mais je m’égare. Retour par le tombeau grandiose de Louis XII et Anne de Bretagne représentés en bas nus, allongés, et – parait-il – avec une ouverture sur l’abdomen nécessaire à l’éviscération. Et en haut représentés agenouillés, vêtus de leurs plus beaux habits pour le jour de la Résurrection. François 1er et sa Reine (Claude) ont un tombeau sur le même principe de l’autre coté de la nef.
J’ai retrouvé mes dégénérés consanguins devant le tombeau de Dagobert, dont le nom a bien fait pouffer la jeune assistance. Pauvre France. Retour vers le métro en passant devant l’Hôtel de Ville: voitures enrubannées, youyous et musique arabe dans la mairie, c’est jour de mariage mon zami. J’ai cherché la pâtisserie fine du coin, pour goûter la fameuse spécialité pâtissière de Saint Denis qu’on achète certainement en famille en sortant de la messe. J’ai rien trouvé qu’un Quick. Pauvre France (re).
* D'après Wikipédia "Cucuphas" signifierait, en phénicien, "celui qui rigole". On se marrait déjà bien, à l'époque.
4 commentaires:
Bah, je sais pas quel âge ils avaient tes dadais, mais moi aussi, à l'école, la première fois qu'on m'a parlé du roi Dagobert, eh bien j'ai pouffé.
@ Olivier Autissier: je ne leur jette pas la pierre. Ils avaient un age ou, effectivement, on pouffe pas mal. Et encore, je n'étais pas là quand ils sont passés devant la chapelle de Saint Cucuphas. Il a du y avoir des pouffages d'anthologie dans le dos de la guidesse.
Ahhhh la fameuse ligne 13, responsable de mes trajets quotidiens en vélo pour éviter l'étouffement quotidien à Saint Lazare.
J'ai parfois l'occasion de me rendre près de la cathédrale et c'est toujours un plaisir pour moi de faire un tour à l'intérieur. Je suis toujours autant impressionné par les gisants. Tu as raison. L'édifice semble étouffer et n'est vraiment pas mis en valeur à l'extérieur. Dommage.
@ Chondre: voilà un thème pour une bonne croisade: libérer Saint Lazare, Saint Denis et autres lieux saints de la capitale et ses alentours.
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