Après plus d’une semaine sur les routes, j’ai bien cru me retrouver dans une belle galère à Pékin. Installé dans le salon de l’aéroport, prêt à partir, on annonce une panne de moteur de l’avion qui retarde le départ de 24 heures. Plutôt que de moisir dans un motel avec des coupons repas pour 300 passagers énervés aux frais d’Air France, je suis reparti en ville.
Le centre de Pékin qui n’était constitué la dernière fois que j’étais venu que par des vieux quartiers aux maisons basses avec chiottes collectives pour tout le pâté de maisons, ou par des immeubles grisâtres de 5-6 étages est devenu une forêt de gratte-ciels. Rien de bien ébouriffant d’un point de vue architectural, mais il y en a absolument partout. Pékin en est à son 6ème anneau concentrique de périphérique, même si le dernier est encore assez peu utilisé car il est tout de même un peu loin du gros de l’agglomération. Les avenues rectilignes du centre sont hyper propres, pas un papier qui traîne, des milliers de voitures défilent placidement, toutes neuves, ou en tout cas en excellent état et d’une propreté impeccable. Il faut dire que le centre – vaste concept - est interdit aux voitures sales et en mauvais état et aux camions. Visiblement, ça marche. Pas un seul vieux camion, pas de bus crachant des nuages de fumée en vue, très peu de bicyclettes. Il fait aller dans les coins un peu paumés pour voir des charrettes à cheval ou des bagnoles déglinguées. Les taxis sont aussi impeccables, avec des housses blanches sur les sièges, voire des chauffeurs à gants blancs comme à Tokyo. On ne rigole pas avec l’image que la ville doit donner pour les jeux Olympiques : moderne, efficace, hygiénique. Il y a partout des tours de bureaux flambant neuves avec des galeries marchandes où les plus grandes marques internationales ont leurs magasins. Magasins superbes, flambant neufs, personnel nombreux et magnifiquement habillé, mais aucun client. Il faut dire que l’on trouve les mêmes marchandises (de marques authentiques ou pas, qui voit la différence ?) pour un dixième du prix dans les marchés spécialisés à deux pas, eux aussi dans de vastes centres commerciaux sur plusieurs étages. Il y a là un capharnaum de stands de vêtements, de chaussures, de bijoux, d’appareils de toute sorte « de marque » à des prix absolument imbattables. L’existence des boutiques de luxe, qui défie tout bon sens économique, est sans doute due, comme beaucoup de choses, à une volonté politique. Si la décision a été prise, c’est qu’il y a une bonne raison, et on trouvera toujours un moyen d’éponger les pertes. Ne cherche pas à comprendre.
Dîner dans un restaurant Szechuanais ; tout est très épicé, mais de façon suffisamment subtile pour ne pas massacrer le goût. Le restaurant est bondé, mais le service est efficace et classieux, il est de bon ton de ne pas finir les plats. Vraiment beaucoup aimé le poisson dans son énorme soupière transparente d’huile rouge pimentée, au milieu de toutes sortes de baies plus ou moins explosives. Aussi profité de cette galère toute relative pour visiter le Temple du Ciel. Dans un vaste parc, une succession de temples destinés aux cérémonies durant lesquelles l’empereur priait pour de bonnes récoltes. Les temples sont de proportions très harmonieuses, l’ambiance est paisible malgré la foule autour des temples les plus spectaculaires, et on se détend de ne plus être au milieu du béton et de la grisaille. Comme à la Cité Interdite, tout ça est très bien entretenu, pas un bout de mur abîmé, les peintures des toits semblent dater d’hier mais pas grand-chose à voir à l’intérieur, peut-être parce que tout est parti à Taiwan ? Il y a un petit musée qui raconte les cérémonies impériales, avec des traductions anglaises approximatives. Le chinois doit être une langue tellement riche que l’on ne peut pas traduire autrement que par « special music » la musique céleste que jouait l’orchestre lors des cérémonies où l’empereur venait prier entouré de milliers de personnes. En ville on voit beaucoup de « traductions » en anglais à destination des visiteurs, du genre « beware of your head » ou « special beautiful delight, come for enjoy ». Peut-être se disent-ils qu’un anglais merdique est bien suffisant et que, de toutes façons, d’ici quelques années le monde entier parlera chinois?
Pas mal discuté avec une anglaise qui travaille pour une ONG de micro-finance ; elle traîne depuis des années en Chine. Selon elle, les provinces reculées sont encore gérées par les petits chefs communistes, rien à voir avec la grande ville où, pourvu que l’on ne se mêle pas de politique, on est à peu près libre de faire ce que l’on veut, surtout si c’est profitable. Elle m’a parlé des milliers de personnes contaminées par le sida dans des bleds perdus, initialement à cause de transfusions sanguines, qui font que certaines régions sont littéralement coupées du monde. Des barrages empêchent tout simplement d’y entrer ou d’en sortir, on attend que ça passe. Il y a eu aussi l’anecdote du collègue qui a longtemps habité à Pékin près d’un stade d’où il entendait de temps en temps des bruits de pétards tôt le matin. Un peu intrigué par l’heure des réjouissances, il a fini par apprendre que c’était le bruit d’exécutions au petit matin. Les Jeux Olympiques s’annoncent bien!
Après cette journée bonus, j’ai fini par repartir pour l’aéroport, les valises pleines à craquer de vêtements et de bricoles que je n’avais aucune intention d’acheter, mais, bon, à des prix pareils... A l’aéroport, encore découvert une innovation chinoise, inspirée d’une approche toute américaine des choses : au départ comme à l’arrivée, au contrôle des passeports, le passager est invité à évaluer la performance du douanier en appuyant sur un des 5 des boutons allant de « poor » à « excellent ». Le douanier ne voit pas le vote, a priori, mais prudence et la courtoisie m’ont incité à être généreux dans mon appréciation.
1 commentaire:
miam !!!
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