samedi 16 février 2008

Un léopard sur le garrot

J'ai comme l'impression que je découvre les bons bouquins après tout le monde. Eh bien, cette époque est finie ! Je suis passé ce matin à la FNAC et j'y ai vu le livre que je viens de finir en Numéro 3 des meilleures ventes. Je n'avais aucune idée qu'il s'agissait d'une "nouveauté", mais voyant celà, je me suis décidé à vous écrire ces quelques lignes. Pour que, vous aussi, puissiez briller en société.

J’ai donc pris « Un léopard sur le garrot » de Jean-Christophe Rufin la semaine dernière, presque au hasard, dans une petite librairie. J’avais énormément aimé « Les causes perdues » qui racontait, sous forme de roman, comment le pouvoir éthiopien dans les années 80 avait organisé la famine de tout un peuple et instrumentalisé les ONG pour son propre profit. Depuis, je n'avais rien lu de lui. Et ce livre dont je n'attendais pas grand-chose, m'a totalement captivé.
J-C Rufin est actuellement notre Ambassadeur à Dakar (la 3e ambassade française dans le monde par la taille, ais-je appris). Le sous-titre « Chroniques d’un médecin nomade » pouvait suggérer un autoportrait un peu flatteur, ou en tout cas ouaté, d’une Eminence d’âge mûr, qui se retourne avec émotion sur sa folle jeunesse, et commence à penser aux hermines de l’Académie Francaise. Ce livre est tout le contraire. J-C Rufin décrit l’ennui de son enfance, la piètre estime dans laquelle il se tenait et continue largement de se tenir, avec une franchise étonnante. Il explique sans détour comment il a réalisé que l’exercice de médecine, après l’avoir passionné et occupé sa vie, l’a ennuyé profondément et coupé de la vraie vie. Comment il s’est retrouvé engagé dans l’humanitaire, dans des rôles bien peu reluisants d’apparatchik manipulé par les « politiques » de Médecins Sans Frontières. Il décrit une bonne partie de l’histoire des mouvements humanitaires français, avec l’élégance de ne dénigrer personne nommément, et avec une liberté de ton déconcertante pour un personnage, somme toute, public. Ses descriptions des cabinets ministériels, des ambassades, mais aussi du métier d’écrivain tel qu’il le pratique sont passionnantes et superbement écrites. Ce livre m’a énormément touché par ce qu’il dit des grandeurs et des petitesses de ces milieux que je connais de mieux en mieux et qui, malgré ses cotés sombres, reste un environnement passionnant et extrêmement enrichissant. Aussi parce que je comprends trop bien pourquoi on peut vouloir tourner la page de l’exercice de la médecine pour embrasser des horizons plus vastes sans pour autant renier les valeurs que l’on acquiert pour toujours, à travers des expériences que l’on a vécu trop jeune pour avoir pu les analyser à leur juste valeur.
Il y a mille raisons pour lesquelles un livre peut toucher différentes personnes, à différents moments, dans différentes circonstances. Un bon livre fait résonner quelque chose de différent en chacun de nous. Celui-ci est un très bon livre. Et il est encore suffisamment frais pour en faire un post qui ne donne pas trop la honte.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu me donnes envie de le lire , c'est donc une bonne critique que tu viens de faire ici , bravo ! ( pourtant je n'aime pas trop les livres de Ruffin).

sameplayer a dit…

@ Anonyme: c'est super bien écrit. Et puis on y apprend quelques mots nouveaux. Savais-tu ce qu'est un "nocher"? (page 120 du bouquin). Moi, non. Eh bien, c'est un personnage mythologique qui fait passer aux morts les fleuves des Enfers en échange d'une obole. Très enrichissant comme bouquin.