mardi 1 mai 2007

Suite française d'Irène Némirovsky (ne bronzons pas idiot)

Ces récentes vacances ont été l’occasion de lire, enfin, un livre presque de bout en bout sans grande interruption, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. J’ose à peine en parler tant ce livre semble avoir fait parler de lui au moment où il a reçu le pris Renaudot en 2004, mais pour le bénéfice de ceux qui, comme moi, l’ont raté à l’époque, je ne résiste pas à l’envie de faire partager ma joie. Ce livre, Suite Française, a été écrit entre 1940 et 1942 par Irène Némirosvky et comporte deux parties.
La première raconte l’histoire de l’exode des français à l’été 1940 alors qu’ils fuyaient l’invasion allemande. Des centaines de milliers de gens partirent sur les routes du jour au lendemain, dans la plus grande improvisation, et errèrent pendant plusieurs semaines, somme toute, pour rien puisque les allemands se comportèrent, finalement, de façon très « correcte », comme on a dit à l’époque, vis-à-vis des populations civiles. Le livre raconte cet exode à travers les histoires entrecroisées de plusieurs personnages, des grands bourgeois (menés d’une main de fer par une mère de famille assez extraordinaire), un écrivain très content de lui et assuré de s’en tirer en tant que sommité d’envergure nationale, une « poule » entretenue par un banquier, et des gens plus ou moins ordinaires à qui il arrive toutes sortes de péripéties au hasard des routes. La deuxième partie du livre raconte la vie quotidienne d’un village où s’installe une garnison allemande, et on y retrouve quelques personnages rencontrés lors de l’exode.

En dehors de son intérêt narratif, à travers les aventures plus ou moins truculentes des diverses familles, ce livre est écrit d’une plume absolument magnifique qui donne honte de perdre son temps à lire de la mauvaise littérature. L’auteur se met avec autant de bonheur dans la peau d’un des protagonistes, puis d’un chat ou d’un crapaud pour faire revivre à travers des mots précis et justes des situations et des ambiances. Elle décrit de façon extraordinaire la quiétude des nuits de juin 1940, les odeurs, les bruits des insectes, l’odeur des fleurs et des fruits, la petitesse des uns et l’héroïsme des autres sans jamais s’appesantir, avec des mots magnifiquement choisis sans jamais tomber dans la facilité, le tragique ou le caricatural. Le contraste est permanent entre les drames qu’elle décrit et la beauté qu’elle détaille si bien en toute occasion. Il n’y a pas dans ce livre de bons ou de méchants, il n’y a pas de massacres, pas de bruit de mitraillettes, très peu de sang, bref rien de ce à quoi le cinéma ou la littérature sur cette époque nous ont habitués. La lecture est rendue d’autant plus poignante que ce livre a été écrit, presque « en direct » pendant une période où Irène Némirovsky était, avec ses deux filles et son mari en semi-clandestinité dans la campagne française. Elle décrit avec délectation et justesse la quiétude et la beauté des campagnes, sans doute parce qu’elle sentait qu’elle risquait d’en être bientôt privée.

Elle a écrit ces pages magnifiques sur la France alors qu’en tant que juive et étrangère elle était pourchassée par les autorités françaises de la zone libre. Elle est morte à Auschwitz en 1942. Son mari, qui n’avait, contrairement à elle, pas perçu le péril mortel qu’ils couraient, a remué ciel et terre pour la retrouver et a subi le même sort peu après. La préface du livre décrit le destin d’Irène Némirovsky et du manuscrit de Suite Française qui devait comporter encore 3 ou 4 parties pour être son « Guerre et Paix » et n’a été publié, inachevé, donc, qu’en 2004.
Si, comme moi, vous l’aviez raté à sa sortie, voilà ma suggestion de livre pour le bel été qui s’annonce.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Quand j'aurai fini American darling de Russel Banks, c'est promis , je reprends la lecture de suite française ... tu m'as donné l'envie d'oublier le ciel gris breton (parce que pour bronzer, ce n'est pas gagné!!!) .