mardi 9 janvier 2007

Abd Al Kader (ou comment, pour une fois, je n’ai pas perdu mon temps à regarder la télé)

Sans jamais en avoir réellement parlé, le nom d’Abd El Kader est implicitement dans ma famille, comme, certainement dans toutes les familles pied-noirs, pour ne pas dire françaises, associé à la lutte des algériens contre la France. On a vaguement entendu parler de la prise de la smala d’Abd El Kader, on l’imagine à la tête de bandes mal équipées face à l’armée de Bugeaud, et, fatalement plein d’une haine et d’un ressentiment à l’égard de la France, dont le pouvoir algérien actuel sait si bien se servir à l’occasion. J’ai découvert à l’occasion d’un documentaire diffusé sur TV5 Monde et réalisé par un des descendants de l’Emir un tout autre personnage. Un grand mystique soufi, plein d’amour pour son prochain, musulman, chrétien ou juif. Un personnage qui a dû rendre les armes en 1848 après 17 ans d’une lutte atroce contre les français et qui a été exilé à Amboise alors qu’on lui avait promis un exil en Orient. Au bout de 4 ans il a été libéré par le prince président Louis-Napoléon et s’est installé à Damas où il a, pendant plusieurs dizaines d’années mené la vie d’un grand propriétaire terrien et chef spirituel. Autorité musulmane de premier plan, il a pourtant sauvé d’un massacre des milliers de chrétiens de Damas. Il s’est intéressé aux progrès technologiques de son époque (tel le canal de Suez) et plus largement, il se voyait comme un pont entre l’Orient (la spiritualité) et l‘Occident (le progrès technologique). Il avait demandé à être enterré à Damas près de Cheikh Mohieddine ibn Arabi al Andaloussi, son maître spirituel. Son tombeau y est toujours, mais ses cendres ont été ramenées en Algérie en 1966, il est enterré dans le carré des martyrs de la Révolution au cimetière d’El Alia à Alger. Bien sûr, son rôle dans la formation de l’identité algérienne, contre la France et contre les Ottomans, a été fondamental et il est normal que l’Algérie en ait fait son héros national. Mais j’ai découvert un personnage mille fois plus complexe, riche et clairvoyant que je ne le croyais. Le présenter comme le rebelle devenu l’« ami de la France » comme le faisaient les manuels scolaires de l’époque coloniale est réducteur et paternaliste. Cependant, le documentaire de son descendant montre aussi à quel point le pouvoir militaire algérien a manipulé la mémoire de l’Emir, en occultant toute son œuvre et tout son cheminement après 1848. Souligner ce qu’il avait de progressiste, d’humaniste et de visionnaire rendrait pourtant un immense service aux descendants des protagonistes de toute cette histoire.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il y a quelque chose sur lui dans le dépliant du château d'Amboise où il était effectivement assigné à résidence, avec sa famille et sa suite (soit environ 80 personnes). Un monument à la mémoire de ceux décédés à Amboise a été érigé dans le haut du parc du château.
Pour info, ça n'est pas de ma part de la culture personnelle mais du recopiage :)