mercredi 21 février 2007

Week-end à Rome

Pas encore eu le temps de préparer un joli post, de retour de la Ville Etenelle. J'hésite entre la zennitude la plus extrême (le haiku définitif sur Rome) et la description foisonnante et chatoyante de l'Urbs (disons en 3 volumes, un par jour de séjour, pour commencer). Je crois qu'il faut que ça mûrisse un peu, tout ça.
Voici, en attendant mieux, cet extrait du "Journal d'un curé de campagne" de Bernanos, acheté en courant à l'aéroport et lu dans l'avion du retour. Pour l'instant je suis sous le charme du bouquin, attendons encore avant de nous emballer. Voilà ce que dit le vieux prêtre experimenté à notre jeune protagoniste:
"Tu es bien de cette race de gens qui, ayant donné deux sous à un vagabond, se scandalisent de ne pas le voir se précipiter du même coup chez le boulanger pour s’y bourrer du pain de la veille, que le commerçant lui aura d’ailleurs vendu pour du pain frais. A sa place, ils iraient aussi chez le marchand du vin, car un ventre de misérable a plus besoin d’illusion que de pain. Malheureux! l’or dont vous faites tous tant de cas est-il autre chose qu’une illusion, un songe, et parfois seulement la promesse d’un songe? La pauvreté pèse lourd dans les balances de mon Père Céleste, et tous vos trésors de fumée n’équilibreront pas les plateaux. Il y aura toujours des pauvres parmi vous, pour cette raison qu’il y aura toujours des riches, c’est-à-dire des hommes avides et durs qui recherchent moins la possession que la puissance. De ces hommes, il en est parmi les pauvres comme parmi les riches et le misérable qui cuve au ruisseau son ivresse est peut-être plein des mêmes rêves que César endormi sous ses courtines de pourpre. Riches ou pauvres, regardez-vous donc plutôt dans la pauvreté comme dans un miroir car elle est l’image de votre déception fondamentale, elle garde ici-bas la place du Paradis perdu, elle est le vide de vos cœurs, de vos mains. Je ne l’ai placée aussi haut, épousée, couronnée, que parce que votre malice m’est connue. Si j’avais permis que vous la considériez en ennemie, ou seulement en étrangère, si je vous avais laissé l’espoir de la chasser un jour du monde, j’aurais du même coup condamné les faibles. Car les faibles vous seront toujours un fardeau insupportable, un poids mort que vos civilisations orgueilleuses se repassent l’une à l’autre avec colère et dégoût. J’ai mis mon signe sur leur front, et vous n’osez plus les approcher qu’en rampant, vous dévorez la brebis perdue, vous n’oserez plus jamais vous attaquer au troupeau. Que mon bras s’écarte un moment, l’esclavage que je hais ressusciterait de lui-même, sous un nom ou sous un autre, car votre loi tient ses comptes en règle, et le faible n’a rien à donner que sa peau."
J'ai dû lire ce passage 5 ou 6 fois. Je chercherai plus à loisir à comprendre pourquoi il m'interpelle autant. En attendant, la lecture continue. Y'a pas à dire, les classiques sont probablement classiques pour de bonnes raisons.
PS: merci à ce Monsieur de m'avoir offert la possibilite d'un efficace copié-collé.

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